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Témoignage d’un Aumônier de jeunes

27.06.2019

L’œuvre des Apprentis d’Auteuil, fondée en 1866 par l'abbé Louis Roussel pour accueillir l’enfant, l’éduquer, le former et l’aider à s’insérer dans la vie, a été confié par l'Archevêché de Paris à la Congrégation du Saint-Esprit. Depuis 1923, des spiritains de diverses nationalités mettent au service de la Fondation leur expérience et leur charisme. Le père Calvin Massawe, spiritain tanzanien, nous partage ses expériences missionnaires comme aumônier de jeunes.

Père Calvin Massawe

"Le temps que je passe dans les foyers de jeunes, soit pour discuter, dîner ou bien regarder les matchs de foot avec eux, m'aide beaucoup à tisser les liens et la confiance,"Père Calvin Massawe, spiritain tanzanien, aumônier de jeunes.

La confiance peut sauver l’avenir

Après mon ordination sacerdotale en 2016 en Tanzanie, j’ai reçu mon affectation missionnaire pour la province de France. À mon arrivée, le provincial m’a envoyé à Apprentis d’Auteuil afin d’être proche de ceux qui sont loin de leur pays ou de leur famille, qui appartiennent à une autre culture, milieu social, une autre religion et proche de ceux qui sont marginalisés. En arrivant dans ma nouvelle communauté de Sainte Thérèse, j’avais beaucoup de questions par rapport à cette affectation inattendue. Dès le premier jour, la peur monta d’un cran en découvrant l’importance de la Fondation : 35,000 jeunes et 2000 familles ! Je ne pensais pas y rester longtemps. Une parole du bienheureux Daniel Brottier m’a beaucoup réconforté : « La confiance peut sauver l’avenir ». Aujourd’hui, j’y suis parce j’ai fait confiance en Dieu qui m’a choisi pour servir ces jeunes. Mon oui profond à la mission, m’a donné une sérénité, un enthousiasme et une force divine qui me motivent chaque jour afin de me donner entièrement au service de mes frères et sœurs.

Bienhereux Daniel Brottier.

Bienheureux Daniel Brottier: directeur des orphelins apprentis d'Auteuil en 1923 jusqu'à sa mort en 1936.

Chaque jeune porte l’image et la ressemblance de Dieu

Depuis que je suis au Château des Vaux (780 jeunes et 500 salariés) et au Mans-Région Nord-Ouest (460 jeunes et 212 salariés), comme aumônier Spiritain, je suis de plus en plus heureux d’accompagner ces jeunes, je suis leur grand frère. Je me laisse façonner et encourager par cette belle parole : « L’immigré qui réside avec vous sera parmi vous comme un compatriote, et tu l’aimeras comme toi-même, car vous-mêmes avez été immigrés au pays d’Égypte ... » (Lév 19, 34). Oui, chaque jeune porte l’image et la ressemblance de Dieu, un Dieu qui se révèle à moi comme un étranger ou un pauvre que j’accueille comme un frère (Cf. Mt 25, 35-45).

Chacun est un être unique, avec sa personnalité, son histoire personnelle et sa croyance. Ma mission est de créer une relation personnelle et fraternelle avec ces jeunes que je croise dans mon quotidien. Je rencontre les jeunes en différents endroits : soit en classe de Français Langue Etrangère (FLE) où nous travaillons sur l’intégrité de l’homme (Développement Humain et Spirituel tous les mardis et jeudi) ; soit au « Self » où nous mangeons ensemble ; soit sur le terrain de foot ou encore sur le chemin d’entrainement pour les coureurs. Chacun porte un visage d’inspiration et d’avenir, qui me parle de leur rêve : l’un ne pense qu’à étudier et à apprendre un métier, l’autre a envie de tourner la page de son passé déchiré et d’ouvrir une autre page pleine d’espoir ; un autre encore souhaite apprendre la langue française et sa culture pour pouvoir rester en France. Car il a tout perdu dans son pays y compris sa famille, ses amis, sa culture, son identité...

Père Calvin est professeur de Français Langue Etrangère et de Développement Humain et Spirituel.

Père Calvin donne le cours de Français Langue Etrangère et de Développement Humain et Spirituel.

Accueillir l’autre comme un frère et bâtir une relation fraternelle

Nos jeunes portent des traces de traumatismes qui reviennent parfois à la surface : la tension de l’Aide Sociale à l’Enfance, une longue bataille administrative et judiciaire pour justifier leur minorité et avoir les documents officiels. Le froid, l’angoisse, la solitude et l’abandon deviennent leurs compagnons de tous les jours. En plus, l’âge les presse davantage avec la peur d’être mis dehors, de ne plus être pris en charge par l’Aide Sociale à l’Enfance et la protection judiciaire. Puis la culture est étrangère et difficile pour quelques-uns, la nourriture, le jugement que nous portons sur eux par rapport à leur dossier, complique davantage leur vie…

Comment accueillir, éduquer, former et aider à s’insérer tous ces jeunes, certes mineurs d’âge mais adultes en expériences, si nous ne portons pas sur eux un regard d’Evangile et inspiré de nos prédécesseurs : l’abbé Roussel qui recueillit un enfant fouillant dans les poubelles pour chercher de quoi manger. Ou encore, le Père Brottier, qui prie Sainte Thérèse et garde ferme sa promesse (au ciel, je passerai mon temps à faire du bien sur la terre…), rempli de foi, de charité et de dynamisme missionnaire. Le Père Brottier restera fidèle jusqu’à son dernier souffle : « Je me suis offert à Dieu pour les servir jusqu’à ma mort. Je ne désire pas d’autre poste. Je veux mourir à leur service ». Leur exemple m’apprend à offrir ma vie pour le salut de ces jeunes qui cherchent à rebâtir leur avenir dans la confiance. L’image-souvenir de mon ordination sacerdotale citait cette phrase : « Enseigne-moi tes voies, Seigneur, pour que je marche dans ta vérité, donne-moi un cœur sans partage. » (Ps 119,34). Cette prière est toujours la mienne et m’aide chaque jour à être dans la joie car je fais confiance à Dieu qui peut tout dans ma vie.

Pour vivre la fraternité avec les jeunes, l’équipe pastorale et quelques directeurs des établissements du site proposent des repas fraternels dans les foyers, une fois par mois, où nous préparons les plats de nos pays respectifs. Et lors du repas, par groupes de quinze personnes, chacun est libre de partager sa culture, son histoire, son pays, ses rêves etc. Cela nous aide à mieux nous connaître, à accueillir l’autre comme un frère et à bâtir une relation fraternelle.

Le temps que je passe avec eux dans les foyers de jeunes, soit pour discuter, dîner ou bien regarder les matchs de foot avec eux, m’aide beaucoup à tisser les liens et la confiance. Ceci va plus loin quand quelques-uns me confient leur jardin secret, car ils savent bien que je suis le Père Ni-ni, qui veut dire, je ne suis ni éducateur ni directeur, ni chef de service etc.

La fraternité.

Pour vivre la fraternité avec les jeunes, l'équipe pastorale et quelques directeurs des établissements du site proposent des repas fraternels dans les foyers,une fois par mois.

Aider les jeunes à découvrir l’amour infini de Dieu

Les temps-forts au Château des Vaux sont : préparation aux sacrements, aumôneries des jeunes, temps spirituel avec les salariés, vidéo débat, rencontre interreligieuses et messes. Tout cela nous fait découvrir davantage des valeurs humaines et religieuses, qui facilitent le vivre ensemble malgré nos cultures et origines différentes qui finalement restent comme une richesse énorme pour nous tous.

Je crois que j’ai été appelé à être auprès d’eux pour les accueillir, les écouter et les accompagner dans leur vie nouvelle, les encourager et leur faire découvrir l’amour infini de Dieu. Je dois les aider à surmonter leurs défis et surtout à soigner leurs blessures, traumatismes et angoisses. En ce sens, un engagement concret est souhaitable afin qu’avec eux nous puissions bâtir un climat de confiance, découvrir leurs cultures, religions. Il faut pour cela, nécessairement, connaître leur origine, leur nom et leur prénom.

Château des Vaux.

Château des Vaux : il y a 780 jeunes et 500 salariés.

Un accompagnement qui permet une ouverture à l’autre et à une nouvelle culture

Notre accompagnement fraternel à l’insertion socio-professionnelle leur donne la possibilité de travailler, de parcourir les formations linguistique, professionnelle et de citoyenneté afin qu’ils puissent s’insérer paisiblement dans la société française qui les accueille. Nous leur proposons des activités et des formations productives pour leur avenir. En effet, leur intégration ne doit pas être une assimilation, qui conduit à supprimer ou à oublier leur propre identité culturelle mais une ouverture à l’autre et à une nouvelle culture qui les aide à mieux vivre leur propre culture. Comme nous voulons que ces jeunes s’adaptent à la culture française, il faut que nous aussi, comprenions leur culture et que nous soyons intéressés à leur vie et moins à notre travail. Saint Jean-Paul II disait : (...) il s'agit d'un processus de longue haleine qui vise à former des sociétés et des cultures, en les rendant toujours davantage un reflet des dons multiformes de Dieu aux hommes » (Voir Jean-Paul II, Message pour la Journée mondiale du migrant et du réfugié, 24 novembre 2004).

On favorise la culture de la rencontre fraternelle en multipliant les opportunités d’échange interculturel avec ces jeunes qui cherchent ardemment à bâtir leur avenir. Je crois fortement à leur avenir mais il faut que nous rêvions ensemble car "Rêver seul ne reste tout simplement qu'un rêve mais rêver ensemble devient la réalité" (John Lennon). Le Père Libermann recommande à ses missionnaires : « Faites-vous Nègres avec les Nègres et vous les jugerez comme ils doivent être jugés ; faites-vous nègres avec les nègres pour les former comme ils doivent l’être». Afin de donner beaucoup de fruits et que ces fruits demeurent éternellement.

auteur: Père Calvin Massawe, CSSp

 
 

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